- “Au temps où les écoliers tunisiens apprenaient par coeur "nos ancêtres les Gaulois", il y eut de très nobles réactions : ce fut H.H. Abdelwabab qui publia une histoire de la Tunisie en langue arabe dont les chapitres étaient consacrés à Carthage, Kairouan, Mahdia, Tunis sans oublier ni les cités princières comme Raqqada et Sabra ni les métropoles régionales telles que Sousse, Bizerte, Béja et d'autres. Les écoliers et les Tunisiens, en général, s'y abreuvent en vue de neutraliser l'effet celtique. Ce faisant, l'historien tunisien au secours vint à la rescousse de la mémoire.
Il n'était pas seul, Othman Kaak, Chevalier sans peur et sans reproche, sillonnait toute la Tunisie de Bizerte à Ben Guerdane et de Sfax à Tabarka en passant par Gafsa, Tozeur, Douz et par bien d'autres villes et villages qui font la fierté de notre pays. Il racontait la Tunisie aux Tunisiens dans une langue suave à susciter le rêve. On l'attendait pour l'accueillir, pour le voir et le toucher. Il racontait leurs ancêtres, les véritables. C'était émouvant.
L'autre pionnier qui osa franchir la barrière pour fréquenter des territoires sacrés et partant dire interdits est celui auquel ces travaux sont offerts en hommage : Slimane Mostapha Zhiss. C'est le fantassin de l'histoire et de l'archéologie tunisienne : Sans négliger le verbe, il a tenu à se faire l'homme du terrain. Il s'y est imposé par la ténacité de son labeur et par une passion soutenue par la foi.
Après avoir mis longtemps ses compétences pédagogiques au service de l 'école, il réussit à se frayer un chemin jusqu'à la fameuse Bihliothèque EL-attarine où il dut s'occuper du secteur arabo-islamique sous la houlette d'orientalistes chevronnés dont il retint la méthode et le savoir-faire. C'était en 1942, au temps de la Deuxième Guerre mondiale. Plus tard, le Service des Antiquités et Arts consentit à lui ouvrir la porte du Département islamique. Voilà donc un homme dont le couvre-chef annonce la chute d'un système.
Au Département, on lui confia des stèles épigraphes qu'il fallait déchiffrer et interpréter. Pour des stages, on lui proposa l'Algérie où il rencontra G. Marcais : il se rendit au Maroc pour Faire la connaissance de H. Terrasse.
Avec I'indépendance de la Tunisie et la création de l'Institut National d'Archéologie et d'Art, S.M. Zbiss se fit l'homme du renouveau, constamment prêt à partir pour reconnaître, situer, définir, dégager, fouiller, décrire, cataloguer, inventorier et archiver par le verbe et par l'image. Il n'hésitait pas à faire le maître Jacques, tout en s'efforcant de s'entourer de jeunes à initier aux différentes tâches de l'archéologue. Il le faisait avec toute la générosité et la magnanimité qui le distinguent. Pour l'hospitalité, je préfère ne rien dire pour ne pas être en deçà de la réalité. L'apport de Si Mustapha est considérable, il touche les domaines de la recherche et de la protection des sites et monuments avec un penchant, voire une préférence pour l’univers des Andalous dont il partage les racines ; par ses multiples travaux, il a su s'adresser aux académiciens et au grand public, avec l'aisance du savant et la clarté du pédagogue. Son ambition a toujours été de bien connaître le patrimoine archéologique et historique de la Tunisie et d'en garantir la protection, la conservation et la mise en valeur. C'est avec honneur et bonheur que je salue S.M.Zbiss, ce pionnier de notre patrimoine. Ce faisant, j'exprime le sentiment de tous ceux qui l’ont connu et vu travailler quel que soit leur statut et quelle que soit leur fonction. Pour nous tous, M.S. Zbiss restera l'un des pionniers de l'histoire et de l'archéologie humaines.”
(extrait de la préface du livre “Mélanges d’Archéologie, d’Épigraphie et d’Histoire”,